…Où je m’étends quelque peu sur ma vie personnelle
Deux mois complètement absurdes sont en train de trouver une conclusion. Partielle. Prudente. Mesurée. Avec modération dans l’emballement. Une conclusion qui n’est que le début de quelque chose de très différent…. On s’accorde à dire que ce confinement fera que plus rien ne sera jamais pareil. Dans mon cas, c’est plus que vrai. Ca n’a jamais été moins pareil que maintenant.
Pendant cet inconcevable période où j’ai parlé à mon frigo, à mes murs, où mes chats ont (laborieusement, il faut le reconnaître !) appris à utiliser un subjonctif imparfait qui n’aura qu’une incidence extrêmement mesurée sur leur dose de croquettes, j’ai passé mon temps à ironiser sur le casting des Feux de l’Amour… sans me douter que j’allais finalement me retrouver en vedette du casting de la première spin-off déconfinée de la série. Rencontre improbable sur un mur, début d’un invraisemblable feuilleton.
Veronikki qui fait de moi un « new man ».
Toutes ces bêtises prennent finalement un sens totalement inattendu, mais totalement irrémédiable… Source inépuisable de jeux de mots plus ou moins nonsense, où on se dit qu’on n’a jamais trop vite ri, que finalement la vie trie d’elle-même. Même en pensant à la mort d’Uderzo en plein confinement, je pense aux éditions « Albert Renaît ».
Mon aimable audience d’ami.es plus ou moins imaginaires n’est pas toujours à même de saisir toutes les subtilités de mon discours obscur. Permettez que j’y donne quelques explications à celle et ceux qui ne sont pas au fait de mon histoire estudiantine.
En 1988, les hasards de la vie m’ont donné de commencer une vie d’étudiant particulièrement atypique à la Faculté Polytechnique de Mons.
A peine débarqué dans ce milieux festif et grouillant, et avant même d’être baptisé, je fus débaptisé et renommé en « Albert » par un regretté poil togé au prénom homonyme qui ne supportait pas de concurrence à l’emploi du « Régis ». Je fus victime d’un régicide quand mon prénom tomba aux oubliettes de l’histoire au profit d’un « Albert » à l’origine incertaine mais qui me suivit pendant de longues années. Plus d’années encore que mes sept ans de présence au sein des étudiants de la faculté.
Je fus un étudiant fort peu académique, cultivant les quatrièmes (même cinquième !) sessions d’examen. Sept ans passés à faire à peu près tout ce que le milieu estudiantin permettait de faire, sauf l’essentiel en terme purement académique : en sortir diplômé.
En juin 1995, après un combat de plusieurs années entre procrastination perpétuelle d’apprentissage et déboires médicaux, un retentissant « Monsieur Courouble, moi vivant vous ne serez jamais ingénieur civil », éructé avec force gémissements par « sire Jean B du barrage de la plate-taille », je jetai l’éponge la mort dans l’âme, y laissant cette fonction de DRE à laquelle je tenais tant, et tout ce milieu étudiant qui m’avait tant apporté, de Mons Mines à la Revue 92, de Radio Extra à la Fédé, du bal des deb’s aux semaines internationales, toutes ces choses qui ne s’apprennent pas dans des syllabi plus ou moins ben rédigés mais qui au bout du compte vous forgent une expérience « hors cadre » et surtout un nombre incalculable de rencontres aussi riches que farfelues.
Faire de la radio m’a permis de garder le contact encore quelques années, puis ce ne sont pas 7 mais bien 10 ans que j’ai passés derrière le micro du local 425 ou dans les fauteuils pourris où je continuais à squatter les jeudis soirs. Tout juste, mais vraiment tout juste le temps d’y croiser très très brièvement une certaine Véronique Vitry. Détail qui aurait pu être insignifiant à l’époque, mais qui n’a à ce jour plus rien d’anodin. (Ni de cathodin d’ailleurs, si on désire le formuler “positivement”).
Après cet échec, je me suis réorienté avec un certain succès dans les voies absconses de l’informatique. « Albert » est redevenu Régis, le gouffre étant devenu trop insondables pour certaines personnes qui ont jugé que mon manque de diplôme m’éloignait pour toujours de toute velléité de contact avec toute forme de vie facultaire. J’emportai malgré tout avec moi mon carnet d’adresses, au sein duquel je pus tout de même compter jusqu’à ce jour des amitiés forgées dans le titane. La vie et ses multiples rebondissements ont fait le reste de l’éloignement de cette planète dont je ne faisais finalement plus partie. Plus de vingt ans ont passé loin de tout ce contexte polytechnique qui n’était plus le mien. Des moments parfois atrocement difficiles, des expériences douloureuses que j’ai finalement surmontées sans le moindre regret.
Et surgit alors en plein confinement cette idée folle de contacter cette Véro qui émargeait plus ou moins à la catégorie « amies imaginaires », après des mois de joutes oratoires par murs facebook interposés ou par jeux de lettres en ligne…. Pour s’apercevoir qu’en fait on était câblés pareils. Faits selon la même notice de montage. Réceptifs aux mêmes stimuli. Programmés sur le même fonctionnement. Ayant vécu tellement de choses similaires à dix ans d’intervalle que tout, absolument TOUT prenait un sens depuis 20 ans. Comme la pièce d’un puzzle qui manquait depuis toujours, sans avoir eu la moindre idée de la forme qu’elle avait, et qui pourtant était visible sous mon nez. Véro, je t’ai cherchée avec mes oreilles pendant tout ce temps, alors tu étais juste là. Et en quelques secondes tout est limpide, tout est immédiat, tout est spontané, tout va vite. Plus vite que tout le monde. Plus vite que la vie. Juste ici et maintenant. Juste nous, comme ça d’un seul coup. Tout est lumineux. Tout s’éclaire. Tout a un sens. Tout est possible.
Même plus peur.
Même pas mal.
On s’en fout.
Et on y va. Confinement ou pas.
On se savait pas où on allait, mais on y est allés tout de suite.
Et le monde a suivi.
Les éperdus confinés se sont trouvés.
Les mots sont devenus trop petits.
Plus rien ne sera pareil.
Nous est là.
Et nous est grand.
Et par une invraisemblable pirouette du destin, grâce à toi, Albert est de retour. Oui, Albert renaît. Je reprends mon surnom. Je le revendique, et j’y colle ton nom, car je suis fier de cette réussite qui est la tienne, que je suis fier de me sentir à nouveau appartenir, grâce à toi, et même de très loin à une partie de ce monde délaissée depuis deux décennies, de ce monde auquel je n’appartiens pas mais auquel je peux m’identifier avec toi.
Je suis maintenant “Albert deux point zéro”.
Et j’aime ça.
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