Goldorak est de retour

GoldoraktarusUn genre de miracle… Un OVNi au sens propre et figuré vient de resurgir du fond de l’espace en ranimant des souvenir d’enfance totalement hallucinant pour quelqu’un qui comme moi est né dans les années 1970. Goldorak est de retour en BD. Et grâce à mon amoureuse qui a été bien plus proactive/réactive que moi, cet objet culte a atterri dans notre boîte comme par la route numéro 4… Un tel objet méritait bien entendu une chronique. Après tout j’ai été peu actif sur ce blog depuis le mois de juillet, le sujet est donc opportun à bien des égards.

Un peu d’historique

Nous sommes en 1978, et il faudra attendre la conclusion de l’année pour que j’atteigne l’âge respectable de huit ans.
Comme je suis né en Belgique, mon joli pays dispose d’un média redoutable qu’à l’époque même la France nous envie : la télédistribution, ou “télé par câble”, et ça en couleur. Cela m’a permis de grandir avec des boîtes à image en couleur et de pouvoir disposer des programmes de la télévision française en plus de nos RTB et RTL nationales. A cette époque, les programmes jeunesse, ça se passait sur ANTENNE 2 (non, pas France 2, ça c’est venu après !) dans une émission nommée “Récré’A2” dont l’animatrice principale est à l’époque une certaine Dorothée, jeune présentatrice débutante qui fera parler d’elle suffisamment par la suite pour que je n’aie pas à vous la présenter.

En 1978, dans notre partie du monde, on ne connaît pas les mangas. Star Wars épisode 4 (enfin le tout premier, quoi !) sort sur les écrans cette année-là, mais en terme d’aventure avec des extraterrestres, la jeunesse est encore fortement ignare.

Quand Goldorak débarque sur les écrans, c’est un vrai phénomène qui se met en place… Une épisode d’une grosse vingtaine de minutes chaque semaine, c’est le rythme qui était imposé à mes yeux complètement émerveillés, et à l’époque pour rien au monde je n’aurais raté ce rendez-vous hebdomadaire, après l’école. J’en étais tellement imprégné que je le dessinais partout, et évidemment, dans la cour de récréation, je jouais à Goldorak. Seul c’était facile, mais en groupe, c’était moins bien car il fallait distribuer les rôles, et n’étant pas franchement un leader charismatique, on me refilait systématique le rôle de Mizar ou de Banta, ce qui blessait mon orgueil de gosse à un point que vous n’imaginez pas. Evidemment, dans la famille, c’était moi l’aîné de ma génération, alors ce genre de rôle de “faire valoir”, je l’imposais à mes cousins, c’était bien plus comique. (Minable Régis, va, quand j’y pense !)

La série animée avait déjà son lot de détracteurs. “Beaucoup trop violent !” entendait-on dire, “c’est un déplorable exemple guerrier pour notre belle jeunesse, ça nous prépare une génération de sauvages ! De mon temps on n’avait pas ça, on regardait Nounours !” Je passe sur ces aspects-là, car je sais que ma mère regardait aussi, et ce genre de discours, je ne l’ai jamais subi dans le milieu familial où on a sans doute jugé ça bien innocent. Ou alors on m’a jugé assez mature pour pouvoir distinguer la réalité de la fiction. Quelles que soient les raisons, je ne remercierai jamais assez mes parents et grand-parents de m’avoir toujours permis d’assouvir mes découvertes dans m’imposer de critères. Mais soit. Revenons au grand robot.

Pour les éventuelles personnes à qui ce phénomène a échappé ou qui sont nés trop tard pour pouvoir être immergés dedans, la série raconte comment Actarus, un prince extraterrestre venu de la planète Euphor, échappe à la destruction de sa planète à bord d’un super-robot et vient trouver refuge auprès des terriens, pour lesquels il prend fait et cause contre les méchants aliens de la planète Vega qui ont décidé de tout casser chez nous. En commençant par le Japon, pour une fois. On finit par oublier que tous les aliens rabiques ne commencent par détruire le Capitole ou la Maison Blanche. Au fur et à mesure de la série, il se fait des potes indigènes, et Alcor, Venusia, puis même sa propre soeur Phénicia (également sauvée in extremis de la destruction d’Euphor) viennent lui donner un coup de main pour dézinguer ces crétins méchants venus de leur base lunaire, qui s’obstinent à leur envoyer un robot à la fois, ce qui permet encore à Goldorak de gérer cela en flux tendu.

Au terme de trois saisons, les méchants se font tous dégommer les uns après et les autres, et Actarus repart à bord du robot avec sa soeur pour constater que sa planète renaît. Traumatisme d’enfance de l’époque, je me suis toujours dit que repeupler une planète avec sa soeur, ça posait quand même question…

Goldorak - la BD de 2021

Goldorak – la BD de 2021

Le retour

Après des décennies de rediffusions et d’éditions vidéo dont la sortie semble avoir été une fameuse embrouille, seuls des vieux nostalgiques dans mon genre ou des curieux de culture devenue vintage par la force des choses, s’intéressaient encore à notre méga robot doublement cornus. C’est en 2016 que le scénariste Xavier Dorison (dont j’admirais déjà le travail notamment dans la formidable série “Le Troisième Testament), né quelques mois après moi et tout aussi imprégné que moi de cet univers golorakien, a l’idée de “ressuciter” son idole d’enfance et d’en faire une BD qui répondrait à une question simple : “il lui est arrivé quoi à Actarus après la fin de la série ?”

Après avoir obtenu avec bonheur l’autorisation de Go Nagai, créateur du personnage (nommé à la base “UFO Robot Grendizer” !), Dorison a préparé les storyboards et s’est adjoint les compétences des dessinateurs Barjam, Cossu et Sentenac, ainsi que du coloriste Guillo, pour sortir un roman graphique absolument jouissif de plus de 120 pages, augmenté d’un dossier de type “making of” tout aussi intéressant, pour aboutir à une brique de 168 pages dont on se dit vraiment qu’elles valent tous leurs centimes jusqu’à la dernière décimale.

Le principe même restait un pari culotté, que l’on aurait pu croire réservé aux geeks des années 80, à qui depuis le temps, on ne la fait pas. Quand un univers aussi dense vous a autant impacté, il n’est pas évident de vouloir le ressortir du placard en respectant les codes.

Pari gagné. Et haut la main !

La patrouille des aigles a pris des ans

Alors que se passe-t-il dans cette résurrection graphique ? Je vais essayer de vous en parler en spoilant aussi peu que possible, mais ça va pas être simple.

Les années ont passé, Actarus et Phénicia sont repartis sur Euphor, et Vega s’est fait dissoudre, on espère pour de bon.
Sur la planète bleue, Venusia a entrepris des études de médecine et est maintenant interne en chirurgie. Alcor est devenu un businessman à succès, mais qui s’ennuie et commence à utiliser un peu le saké en guise de psychotrope. On ne sait pas vraiment combien d’années ont passé, mais nous sommes à présent dans une époque proche de la nôtre. Le challenge était donc d’intégrer l’univers de Goldorak dans le contexte du 21ème siècle.

Mais tout ça était trop beau pour durer. Des rescapés de la planète Stykadès un peu à la dérive, ont finalement décidé de revenir narguer les humains, vu qu’on leur a pété la gueule quelques temps avant et qu’ils n’ont plus d’endroit pour aller installer leur caravane. Ils débarquent, commencent par tout casser, puis décident de venir s’installer au Japon et de foutre tous les nippons à l’huche, merde, c’est chez nous ici, maintenant. Les locaux, évidemment ne sont pas contents, et cherchent une solution pour éviter de se faire confisquer leur terre. Mais sans Goldorak, c’est pas gagné d’avance, surtout quand ces réfugiés agressifs commencent par provoquer une éruption du Mont Fuji pour remplir leurs réservoirs de lasernium. On sent que ça ne sa passe pas très bien, c’est le moins qu’on puisse dire.

Je ne vais pas vous donner d’indices sur la façon dont on réintègre tout le staff à l’équipe (notamment les Euphoriens plus très euphoriques !), mais sans trop donner d’indices, on voit quand même que Mizar est devenu adulte (quand même !) et Rigel, lui, a pris un coup de vieux et a maintenant une santé vraiment déficiente. Mais globalement, c’est reparti pour un tour, on ressort les vieux équipements, et on essaie de réorganiser une défense anti-UFO qui tienne la route (numéro 9, même, quitte à en créer une nouvelle !)

L’intégration dans notre contexte contemporain donne quand même lieu à des scènes qui sont aussi graphiquement excellentes que pertinentes. Je ne sais pas si j’ai eu envie de rire ou de pleurer en voyant l’Alcorak couvert de poussière (il ne manquait que des taches de boue !) dont on remplit le réservoir avec une pompe à kérosène empruntée à Ryanair. Par contre j’ai beaucoup ri en voyant cette scène où Actarus essaie de remettre à jour le servo-ordinateur de Goldorak en y branchant son laptop. Je ne résiste pas à vous en donner cette image dont je me suis imaginé rectifier les phylactères avec des répliques aussi ridicules que vous pouvez imaginer.

Goldorak - mise à jour

Mise à jour de Goldorak

Genre d’essayer de s’imaginer qu’Actarus, horrifié, n’arrive pas à appliquer les patches de mise à jour, ou que le laptop lui annonce que Goldorak n’est pas compatible avec Windows 11. Soit. Humour de geek s’il en est.

Respect !

Au final, c’est ce mot qui me paraît le plus pertinent : “Respect“.

D’abord respect de l’univers, des personnages, de cette mythologie circonstancielle qui a fait de Goldorak un pilier récréatif inoubliable de mon existence. Tout est assez cohérent pour donner un sentiment de retrouvailles et d’appartenance extrêmement fort. “Oui, ça aurait pu se passer comme ça”. Même un Actarus barbu et pouilleux qu’on imagine sentant mauvais, c’est plausible. Alcor qui picole, c’est plausible. Vénusia qui apprend à réparer des fractures ouvertes, c’est aussi plausible. Rigel à l’hospice aussi. Ca a du sens. Dorison arrive même à donner une forme de profondeur à ces personnages archi-connus, et on sens bien plus que de l’admiration ou du respect pour ses inspirations : c’est de l’amour, qu’il nous donne.

Ensuite respect de notre époque, et ce n’était pas gagné d’avance, car on y intègre, même brièvement, des thématiques qui interpellent : réfugiés, déplacés, xénophobie, ressources planétaires limitées, limites technologiques : en ce sens : Respect. Goldorak a aussi sa place en 2021. Bon, on n’y parle pas de covid, mais ça aurait pu.

Et puis respect aux auteurs. C’est très beau, archi-bien colorié (un vrai bonheur éclatant !), et c’est en soi une bonne histoire. C’est un très beau travail. C’est un magnifique objet. Je suis totalement conquis.

Ce Goldorak a mérité une place de choix dans ma bibliothèque, et tout comme la série animée, je la reverrai encore et encore.

Un complément à cet objet culte que je garde aussi près de ma grande télé :

Intégrale de Goldorak en blu-ray

Intégrale de Goldorak en blu-ray

D’ailleurs au sujet de cet objet : je crois que c’est mon âme d’enfance qui me l’a fait acquérir, parce que j’aimais l’idée d’avoir ce boîtier de disque sous forme de soucoupe porteuse. Par contre, acquérir l’intégrale de Goldorak en blu-ray c’est complètement ridicule, car la définition originale du dessin animé et son animation à 5 images par seconde, ça fait un peu percevoir le côté technique un peu pathétique de la réalisation de l’époque. Qui faisait aussi une partie de son charme.

Conclusion

Cette BD me fait retourner en enfance, et me fait sentir à quel point j’ai été aussi un enfant privilégié, qui a grandi, mais qui n’a pas complètement étouffé son âme de l’époque.

Elle me fait aussi me dire que chaque époque a ses travers, mais aussi ses aspects merveilleux. Elle me fait aussi me dire qu’être né à une époque ne justifie pas qu’on dénigre ce qui a été produit à une autre époque. Goldorak a probablement grandement contribué à introduire la culture manga chez nous, et celle-ci n’a probablement plus besoin de son ancêtre, mais elle a sa raison d’être, elle a ses qualités propres, et le fait que je ne m’y sente pas totalement intégré ne m’empêche pas de me dire que la culture manga plus tardive a produit des choses d’une grande qualité, et qu’elle en produira encore beaucoup.

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