Ne Me Quitte Pas

Paroles : Jacques Brel / Musique : Gérard Jouannest (1959)

Contexte personnel

Jacques Brel… Notre “Grand Jacques” national. Je dois reconnaître que je le connais depuis toujours. J’avais 6 ans quand il est mort. Son dernier album (“Brel”, dit aussi “Les Marquises”) venait de sortir, et ce disque mystérieux à la pochette recouverte de nuages et orné de ces quatre lettres me fascinait. Le 33 tours existait dans chaque foyer de mon entourage familial : parents (ben oui, il étaient encore ensemble, c’est vous dire si ça date !), grands-parents, il faisait partie de chaque bac à disques. Ca me fascinait. Tout petiot, je l’entendais déclamer son ode à Jojo, chanter les Remparts de Varsovie. Je me souviens avoir demandé à mon grand-père “C’est quoi un flamingant ?”. Je me souviens aussi de Mme Colin, ma prof de morale en première primaire, qui a débarqué en larme dans la classe en geignant “Jââââcques Breeeeeel eeeeeest mooooort !“. Et je me souviens aussi, cette chanson qui me TERRIFIAIT quand je l’entendais clamer :

“Et puis il disparaît, bouffé par l’escalier !”

Je me faisais une image traumatique d’un type qui se faisait croquer vivant par un escalator plein de dents. J’en faisais des cauchemars.

Bon, en fait, j’ai été nourri à Brel, c’était un dénominateur commun à ce qui passait régulièrement sur toutes les platines familiales. Je l’ai toujours énormément apprécié, et c’est encore et toujours le cas. Il a écrit des choses absolument fabuleuses et a une place dans mon panthéon personnel.

Mais…
Mais……….
Mais il a écrit “Ne Me Quitte Pas.”
Et même si je l’aime, Jacques, ça, je ne lui pardonnerai jamais.


Pourquoi ça me hérisse à un point indescriptible ?

Outre cet encensement général qui en fait dans l’esprit public “la plus belle chanson d’amour jamais écrite” alors que ça m’est totalement inaccessible, tout me révolte dans cette scie : une poésie dégoulinante, des métaphores éculées, un misérabilisme outrancier, une auto-humiliation éxcrémentielle à chaque strophe. Non, non, non, c’est juste impossible à supporter.

“Des perles de pluie venus de pays où il ne pleut pas”, “l’ombre de ton ombre, l’ombre de ton chien”, mais tu fais quoi, gars ? Si elle te quitte il y a bien une raison, tu crois vraiment qu’elle va te revenir en t’aplatissant telle une bouse et en appelant les mouches au festin ? Et pour la décider tu lui promets des choses qui n’existent pas ? T’es crédible ?

Non seulement le texte m’est insupportable au point de vouloir me manger mes lobes d’oreille, autant, en plus, pour passer la chanson à la télé, ça fait soixante qu’on nous repasse cette interprétation où il sue tellement qu’on dirait qu’on l’a filmé en costume de croque-mort sous une cascade ?

Et tout ces gens qui l’ont reprise sous toutes ses formes, je ne leur pardonne même pas de n’avoir même pas fait l’effort d’arriver à singer son théâtral désespoir. Non, non, non, je ne peux pas. Quand j’entends ces trois notes de piano et demi, j’ai envie de fuir, de creuser un tunnel, d’envahir le Wessex, mais pas d’en entendre plus. Je préfère encore manger du crabe. Et ceux qui me connaissent savent à quel point d’horreur et de détestation ce simple constat m’amène.

Vous voulez vous faire encore plus de mal ?

Puisque vous insistez, je vous livre ici quelques reprises qui valent leur pesant de nausée matinale.

Allez-y, c’est gratuit.

"Ne Me Quitte Pas" par Faudel

Allons-y pour une interprétation qui sent bon le henné et les dattes. Glaçant.



"Ne Me Quitte Pas" par Johnny Halliday

Johnny aussi lui rend hommage. Je ne suis pas fan, c’est le moins qu’on puisse dire.



"If You Go Away" par Madonna

Bien sûr traduite en anglais et chantée par l’annuaire entier des artistes bankables, saviez-vous que MADONNA en personne s’y est attaquée ? On n’a vraiment peur de rien !