Dark Side of the Moon Redux (2023)
Quand Roger parle beaucoup mais n’a pas grand’chose à dire
En grand fan de Pink Floyd que je suis, vous comprendrez bien que tout ce qui fait encore un peu d’actualité sur le sujet a tendance à susciter mon intérêt.
Nous sommes fin 2023, les survivants du groupe vieillissent, les 80 ans approchent tout doucettement, Rick est toujours aussi décédé, et donc Roger, David et Nick font ce qu’ils peuvent, avec des fortunes diverses.
David Gilmour est très discret depuis qu’il a revisité la SNCF. Nick Mason, avec un réel bonheur (mais sans produire rien de neuf) continue de tourner avec Nick Mason’s Saucerful of Secrets.
Quant à Roger Waters… Comment dire… Plus le temps passe, plus il reste égal à lui-même.
“Ouin ouin, tout le monde est méchant”
On le sait depuis toujours, Roger Waters n’est ni un joyeux drille, ni un altruiste. Je n’aimerais pas passer une soirée en tête à tête avec lui pour un spaghetti sur table, je risquerais d’en sortir avec une dépression aigüe.
Je reconnais sans aucun problème qu’il a eu des périodes de créativité remarquables, alimentées sans cesse par son traumatisme d’enfance majeur, qui est de n’avoir jamais connu son père, Eric Fltecher Waters, tué lors de la seconde guerre mondiale, et d’avoir ensuite été élevé par une mère veuve totalement étouffante. Pour les habitués de la description, tout était mis en place pour faire de lui un pervers narcissique manipulateur de toute première force.
Si on peut totalement reconnaître à Roger qu’il est un excellent bassiste, et que lorsqu’il parle de lui-même, il est arrivé à écrire des paroles hallucinantes, il n’est objectivement ni un compositeur de génie, ni un chanteur qui déchire la race de sa mère en short. Du temps de la splendeur de Pink Floyd, on admirait les solos de guitare de Gilmour, les envolées claviéristiques de Rick Wright, les performances vocales des deux mêmes, et aussi les trouvailles sonores avant-gardistes de Nick Mason. Roger Waters apportait énormément via les paroles noires et/ou frappadingues et son jeu de basse typique, mais pas vraiment par sa voix…
Amateur de musique depuis tout petit, j’ai aussi des chose à dire sur le sujet… Chroniques de concerts ou coups de coeurs divers, cette rubrique sent les notes.
C’est un avis fort personnel, mais Pink Floyd, ça a été avant tout un collectif de gens extrêmement doués.
Puis Roger a voulu que le monde sache que LUI avait des choses à dire et que PF, c’était dans sa tête SON truc à LUI.
A partir de 1977 et l’album “Animals”, il impose de plus en plus SES thèmes de plus et plus noirs et reurasthéniques et voit de plus en plus Pink Floyd comme “le groupe qui accompagne Roger”.
En 1979 sort “The Wall”, album de la consécration ultime, qui constitue avant tout le récit ultime de toutes ses souffrances, ses angoisses et ses délires paranos. Avec quelques soli de guitare inoubliables signés Gilmour, qui sauve quand même un peu la face du Floyd en tant que groupe pour avoir fait “plus que la moitié du travail” sur certaines chansons comme “Comfortably Numb“. Mais bon, “The Wall”, c’est la créature à Roger, c’est indéniable. C’est son masterpiece. Il ne s’en remettra jamais. M’enfin soyons aussi objectifs : si Roger avait tout fait tout seul y compris la musique, je gage que ça n’aurait pas eu le succès que ça a eu.
“The Wall” c’était énorme. C’était aussi probablement la dernière chose “énorme” produite par le collectif, toutes configurations confondues.
En 1983, après avoir viré Rick Wright du groupe, sort l’inégal “The Final Cut”, un album “de Roger Waters accompagné par Pink Floyd”.
Cet album, on l’aime ou on l’aime pas, mais c’est une compilation de restes de The Wall et rien d’autres.
Et surtout c’est la première fois où j’ai commencé à percevoir ses invraisemblables “tics” qui deviendront systématiques dès lors. Les effets sonores guerriers, les explosions, les bombardiers qui dégringolent en 3D, les appels téléphoniques, dans The Wall, ça sonnait novateur, mais dans “The Final Cut”, ça commence déjà à sentir la rengaine. Les interpellations directes à Margaret Thatcher, c’était peut-être bien dans le délire en 1983 mais purée, 40 ans après, ça sonne pire que ringard, tout comme utiliser au moins dix fois l’expression “electronic eye” dans les paroles pour se plaindre que tout le monde est méchant et qu’on nous suveille, pfouuuuuuuuuuh……..
Pour Roger tout le monde est méchant. Ceux qui ont tué Papa à la guerre, ceux qui font la guerre, ceux qui ne reconnaissent pas son génie, ceux qui mettent même en doute l’immensité de son talent, ce sont tous des méchants.
D’ailleurs les autres membres du groupe ce sont aussi des méchants qui n’ont rien à dire. Lui, il a des choses à dire.
Et donc sûr d’être entourés de boulets qui ne sont là que pour freiner sa créativité, aveuglé par sa mégalomanie neurasthénique, Roger quitte le groupe.
Enfin bon, il n’y a rien à quitter puisque de toute façon, il EST le groupe. Roger Waters ne quitte pas Pink Floyd, c’est Pink Floyd qui quitte Roger, qui en est le centre, le nombril, l’ombilic, la substance, l’âme, l’essence même.
Mouais…..
Une carrière solo sur un mur
A partir de 1983, Roger est en solo. Et il fait le mur, encore et encore.
Je vous passe la bataille juridique qui a duré des années, quand David et Nick ont fini par garder le nom de Pink Floyd et quand même réussir à faire vivre la “machine” sans Roger. En bon narcissique qu’il est, Roger ne pouvait sans doute pas supporter que quelque chose existe sans lui. Techniquement, ce qui s’est passé, c’est qu’en prononçant le divorce, Waters est parti avec “The Wall” et Gilmour et Mason sont partis avec le nom “Pink Floyd”.
Les quelques productions de Waters qui ont suivi la grande rupture ont produit des choses parfois plus que décentes (j’avoue toujours adorer “Amused to Death” en 1992 et “Is the the World We Really Want” en 2017), plus casse-bonbons tout en ayant quelques moments intréressants (“The Pros and Cons of Hitch Hiking” en 1984), franchement pouêt-pouêt dans la musique et dans le propos (“Radio Kaos” en 1986, hyper-daté, mais ce n’est rien à côté de l’histoire “conceptuelle” du gamin muet qui appelle un DJ avec un téléphone sans fil relié à un sythétiseur vocal, sorte de “Tommy” revisité par un jeu vidéo) à ridicule (essayez d’écouter “Ca Ira” jusqu’au bout et de survivre).
Toutes ces productions (c‘est pas tant que ça sur 40 ans !!!!!) ont un fil commun : elle font penser à “The Wall”, encore et toujours.
Et plus les années passent, plus Roger nous ressert “The Wall”. “The Wall à la plage”, “The Wall à Berlin”, “The Wall et les Extraterrestres”, “The Wall au Clair de Lune”, encore, encore et encore son mur, ses marteaux qui dansent, ses gamins passés au hachoir, encore et toujours ses appels téléphoniques, ses voix de radio, ses explosions, ses “electronic eyes”, ses voix off hors de propos, et cette sensation que tout le monde est méchant avec lui et que ça ne changera jamais.
Et puis surtout, Roger devient de plus en plus aigri, de plus en plus politisé. Les années passent et cette sensation que “monsieur Waters est dépositaire d’une certaine forme de courage de dénoncer et tient à tout prix à le faire savoir” persiste.
Perso, tant qu’il s’attaquait à Donald Trump (“Pig”), j’avais encore une certaine sympathie lointaine, genre “OK tu rabâches, mais l’autre naze l’a bien mérité”, autant quand il a commencé plus récemment à vouloir défendre Vladimir Poutine, là, j’ai commencé vraiment à rejeter totalement.
Alors quand j’ai appris l’année passée que Waters voulait réenregistrer “Dark Side of the Moon”, là, je me suis dit qu’il touchait le fond de la sénilité aigrie, du narcissisme rance, de l’auto-satisfaction ultime.
J’ai pas été déçu.
A moi la lune
Je ne crois pas utile de détailler “Dark Side of the Moon”.
Paru en 1973, ce disque a servi d’étalon de qualité sonore pour des décennies de chaînes sétéro, et il est encore de nos jours parmi les albums qui ont été les plus rentables au monde.
Résultat flaboyant d’un collectif arrivé au sommet de son art, qu’on l’aime ou pas, cette plaque compte dans l’histoire de la musique de manière générale. On en a célébré à maintes occasions en cette année le 50ème anniversaire, on l’a ressorti de toutes les manière imaginables.
Sauf que… Cet OVNI n’appartient plus à Roger, et ça lui fait mal au cul.
Et comme il persiste dans son délire paranoïaque, narcissique et mégalomane, il a probablement dû se dire que le plus bel hommage qu’on pouvait lui rendre, c’était de le réenregistrer à sa manière.
Multipliant les interviews où il déclare en gros que “c’est lui qui a tout écrit” et que les autres membres du groupe “n’avaient de toute façon rien d’intéressant à dire depuis longtemps”, hop, Rodjeur se remet au travail sur autre chose que The Wall (hé oui !) et se fend d’une version réécrite à sa sauce. Les déclarations de propriété intellectuelle se multiplient, les effets d’annonce s’amoncellent. Quel teasing. En octobre, on va sans doute avoir droit à un objet dont le monde entier se souviendra, encore mieux que l’original. Il va tout réécrire. Son génie va éclater enfin.
Alors, musicalement, ça vaut quoi ?
Mon verdict personnel
On aime “DSOTM” ou pas, c’est une question de goût, mais s’il y a bien un qualificatif duquel cet album ne méritât point qu’on l’affublât, c’est bien d’ennuyeux.
Hé bien maintenant c’est fait.
C’est un des albums les plus CHIANTS qu’il m’ait été donné d’entendre.
Il y a même tellement peu de choses à en dire que je ça ne méritait peut-être pas un article de blog (sauf que je n’en ai pas écrit depuis un an et qu’il était temps, tous les prétextes sont bons !).
Ce “Redux” n’a vraiment plus rien à voir avec l’original. Oui, il se doit d’être vu comme un truc aussi défférent que deux trucs qui… heu… n’ont vraiment rien à voir.
D’abord : le chant. Je me suis réécouté la version originale pour être bien sûr de ce que je disais mais je le confirme : en 1973, Roger n’y a pratiquement pas chanté. C’est David Gilmour, Rick Wright et Clare Torry qui faisaient vibrer leur organe sur “Time”, “Money”, “The Great Gig in the Sky” et les autres. Roger s’y faisait tellement discret qu’on n’aurait pas remarqué qu’il n’y était pas. Si ce n’est le jeu de basse irréprochable bien sûr (je n’ai jamais eu une pierre à jeter sur ses performances de bassiste !)
Mais là… Il chante à la place des autres.
Enfin chanter…… Il murmure, il sussure, il récite…. On dirait Leonard Cohen dans ses dernières années de vie. Et ça c’est quand il y a des paroles à chanter.
Mais quand on n’est pas sur les “lyrics” originaux… Il parle. Il raconte des trucs. Sans aucun intérêt d’ailleurs.
C’est pas un album musical, c’est un audiobook. C’est une logorrhée ininterrompue, un interminable soliloque enregistré par un type qui a une habitude constante de s’écouter parler. C’est indigeste, soporifique, mou du slip. On a envie de lui mettre des claques. “Mais tais-toi, bordel !!!!!”
Evidemment, point de guitare, si ce n’est quelques passages vaguement acoustiques dont on dirait qu’ils ne sont là que pour ponctuer ses voyelles récitées. Tout est remplacé par un synthé tout mou, aussi omniprésent que monocorde. Tout est plus lent que l’original, tout sent la naphtaline. Plus de saxophone non plus. Les guitares et le saxophone, il ne pouvait sans doute pas les réclamer pour lui.
Dans les traits qui ont rendu DSOTM intemporel, il y avait tous ces effets sonores qui ont en ont constitué la marque de fabrique. Les tiroirs-caisses samplés, les battements de coeur, les effets super-stéréo qui passaient d’une piste à l’autre. Ici, plus rien des originaux. Mais il en a quand même rajouté quelques-uns très “Waters”, genre des locomotives qui passent brièvement ou l’une ou l’autre explosions. J’ai pas été suffisamment attentif à son flot de verbe vaseux pour repérer le nombre de “electronic eye”, mais je n’en serais pas surpris.
Et il parle, il parle, il parle encore, en s’accompagnant de ses synthés tout mous.
Voilà l’image que j’en garde : c’est l’improbable résultat d’une collaboration entre Charly Oleg et Leonard Cohen en fin de vie, qui auraient réalisé une commande d’audiobook pour la ligue Braille.
C’est même carrément du massacre parfois…
“The Great Gig in the Sky”qui devient un monologue abscons accompagné de trois notes de bontempi gagné à la pêche aux canards.
“Money” réduit à un genre de valse lente, 7 minutes de lassitude gluante accompagnant un discours de fin de banquet.
Sans compter que sur la fin, on sent que même lui, qui n’arrête pas de trouver des choses inintéressantes à dire, doit se forcer pour “remplir” le vide qu’il a lui-même créé.
My brain is damaged, epilogue
Ennui, ennui, ennui, ennui………
Je ne trouve RIEN à sauver dans cette vague poisseuse, poussive, verbeuse et narcissique.
C’est un audiobook où Roger Waters parle énormément, mais ne dit rien du tout.
Vous aurez peut-être un avis différent du mien. Confrontons. Ce sera sans doute plus intéressant qu’un monologue de Roger l’ennui.
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