Je ne joue plus….
28 juin 2021 (enfin je crois, vu que c’est l’Euro 2020, non ?), aux environs de 23h30.
L’équipe de France de football revit bien malgré elle une situation un peu analogue à cette nuit de Séville de 82 où l’équipe de Michel Platini, après un match qui restera dans l’histoire, se voyait éliminée aux penaltys par la Mannschaft. Cette fois, ce sont les Helvétiques qui, contre toute attente, se chargent de renvoyer les bleus à la maison.
Il s’en est passé des choses en 39 ans : la France a gagné deux coupes du monde, et est passée à une cheveu d’une troisième (si tant est qu’on puisse parler de cheveu à propos de la boule à zéro de Zidane qui s’est tristement illustrée dans un torse), et on y ajoute aussi un Euro en 2000.
Pour les belges, c’est nettement plus modeste. Pas de trophées, mais un premier accès à un dernier carré mondial au Mexique en 86, puis un second accès (sur le podium) en 2018 après une demi-finale contre la France qui et encore (et plus que jamais) sujette à débats aujourd’hui.
Point commun entre les deux équipes : émergence de générations exceptionnelles de joueurs dont il est à tout le moins objectif de se dire qu’ils sont pétris de talents. Et que leurs présence haut niveau n’est plus une surprise pour personne.
Je vous évoquais très récemment, en mode “je chambre”, une explication personnelle du désamour vécu en Belgique francophone par l’équipe de France. J’avais quand même l’impression de rester bon enfant dans mes propos. Mon post a connu un invraisemblable succès de partage auquel je ne m’attendais absolument pas, et pour lequel je n’ai pas reçu le moindre commentaire haineux, ce qui me laisse supposer que j’étais quand même resté dans les limites de l’acceptable.
Mais suite à la défaite des Français contre les Suisses, là, je ne ris plus. Non les gars, je ne joue plus, ça va vraiment trop loin. Je demande mon remplacement de l’équipe des petits joueurs sarcastiques.
Ma honte nationale
Oui, je l’avoue, j’ai eu un gros frémissement de plaisir coupable quand Mbappé a raté son penalty final à l’issue d’un match complètement fou. Mais pour moi ça en restait là. Quel que soit le vainqueur, c’était au terme d’un match de folie marqué par d’incroyables rebondissements, mais ça restait encore relativement logique dans le sens où les Suisses auraient pu mener 2-0 si le penalty avait été converti, ce qui probablement écourté les débats. Les pénos, c’est une loterie, le vainqueur est heureux, le perdant est mortifié mais ne quitte pas la compétition sans le sentiment d’avoir tout donné jusqu’aux dernières secondes.
Mais quand je suis du coup finalement allé me coucher et que j’ai entendu mes concitoyens se mettre à klaxonner dans les rues pour fêter la défaite de la France, c’est moi qui ait commencé à ressentir ce “seum” dont je me demande toujours quelle définition pertinente je peux bien lui donner. Quand des images de drapeau français brûlé sur la page Flagey se mettent à circuler, là, j’ai envie de me réfugier sous terre. Chambrer ceux dont un trouve qu’ils ont une grande gueule est une chose (déjà à relativiser), mais marcher sur les cadavres des victime d’une défaite à laquelle on n’a même pas participé (ce qui n’excuserait rien, nonobstant, au contraire !) c’est juste tout ce que je déteste dans le genre humain.
Personne ne mérite qu’on tente de l’humilier de la sorte. Absolument personne.
Je passe encore sur les bêtes blagues plus ou moins drôles qui peuvent encore passer pour un peu de moquerie revancharde, que j’aurais finalement pu relayer… sauf qu’elles sont tellement rabâchées et partagées tous azimut qu’elle ne sont même plus drôles au-delà d’un seul visionnage. C’est sans doute personnel mais pour que je trouve quelque chose drôle, ça a intérêt à être aussi orginal qu’imaginatif. Produire du rire gras aux relents de bière en se tapant sur les cuisses, je respecte ceux dont c’est le trip, mais perso, c’est pas le mien.
Par contre, j’ai vraiment dû relativiser quelques propos que j’ai tenu dans mes articles précédents où je me permettais de supposer qu’en Belgique francophone on gardait une certaine bonhomie dans les attaques humoristiques transfrontalières…. Eh bien non. Je sens avec un certain effroi que beaucoup trop de mes concitoyens commencent effectivement à attraper une forme de “boulard” totalement inappropriée, et qu’ils commencent à adopter des attitudes qu’ils imputent en général à leurs voisins. Il semblerait que certains belges francophones n’attendaient qu’une seule chose : se rassurer avec un peu de puissance de feu pour produire une sorte de chauvinisme qui sent le dessous de bras confiné qui n’a absolument rien à envier à celui qu’ils s’imaginent régner de l’autre côté de la frontière. Et j’aime vraiment, vraiment pas ça.
Ce n‘est qu’un jeu, bordel
Ce n’est que du football, bordel. Un bête jeu qui nous distrait de nos préoccupations principales. Ce ne sont que des conneries qui focalisent l’énergie qu’on ne veut pas mettre dans des choses plus sérieuses. Par contre je suis horrifié à quel point ça fait ressortir ce qu’il y a de pire chez l’être humain.
J’ai pu manquer des tas de choses, mais je suis consterné à niveau égal avec des horreurs indescriptibles que j’ai pu voir circuler entre “supporters” français à propos de couleur de peau et d’attaques personnelles intolérables sur certains joueurs. C’est atroce. Personne, je dis bien personne, ne mérite d’être traité avec autant de mépris. J’ai détesté la célébration de Pogba, bourré d’auto-suffisance, mais j’ai également détesté voir Mbappé abandonné de tous suite à son penalty raté, seul au monde pour faire face à d’inévitables critiques abominables qui s’abattraient inévitablement sur lui de partout à la fois, et surtout dans son propre camp.
Et si certains pourraient mériter un minimum d’humiliation temporaire pour s’être montrés objectivement incorrects, comme ces journaleux de l’Equipe TV, ou ces “experts” à la Domenech (pas le mieux placé pour faire le malin) avançant la grande théorie de l’inévitable suprématie des coqs sur le monde, d’autres ne méritent pas qu’on les attache à l’arrière d’un traîneau d’humiliation. Qui frappe des gens à terre se bat contre son propre égo malade. Attaquer à ce point en se targuant de revanche sur le chauvinisme de l’autre, c’est d’office se battre avec les poings des autres, et donc d’être plus bas que ceux qu’ils visent.
Et beaucoup trop de mes compatriotes ont été vraiment très bas. Je ne m’excuserai pas pour eux, ce sont leurs conneries, pas les miennes, je me désolidarise simplement de cette vague de mépris condescendant d’une rare mesquinerie.
Bon. Ceci dit, les Diables Rouges sont toujours là, donc je peux toujours être “pour” eux, mais je ne me sens certainement “contre” personne. Et sûrement pas les Italiens, qui franchement me semblent prêts à nous donner une leçon de vie footballistique. Si c’est le cas, que cela soit, et que le meilleur gagne.
Sans haine et sans mépris.
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