“R42” était un département de l’ancêtre des réseaux sociaux “parano.be”, site directement inspiré du jeu de rôle “Paranoïa” que j’ai beaucoup pratiqué pendant mon adolescence. C’était une équipe de joyeuses et joyeux timbrés aimant l’absurde aux talents rédactionnels jouissifs. Vous trouvez ici quelques contributions personnelles à ces loufoqueries collectives.
On ne le dit pas assez, mais la matière, en gros, c’est grand.
Imaginez une assiette pleine de quelque chose qu’il est bon pour le manger. Et d’ailleurs, vous mangez tout.
Bon, d’abord, vous ne mangez pas tout, sinon, on ne ferait pas la vaisselle.
Donc, le rien qui reste collé au fond de l’assiette, hé bien, il a encore les mêmes propriétés que le plat en entier : il a encore le goût, la consistance, etc. Pourtant vous avez l’impression qu’il n’y a plus rien.
Hé bien voilà : dans la sauce figée et les empreintes de doigts graisseuses qui tapissent votre assiette prétendument vide, il y a encore des quantités affolantes de bouffe à une échelle un petit peu plus petite que votre estomac.
Amusons-nous à réduire l’échelle ; on devient plus petit, on mange ce qui reste, et quand on a l’impression qu’il n’y a plus rien, on divise sa taille par cent et on continue à manger les restes précédents.
Il y a moyen de faire cela une dizaine de fois. Si si je vous assure, il n’y a qu’à essayer ! (1)
Et puis à un moment, il ne reste plus rien qu’une seule miette ridicule de matière qui sent encore la bouffe, et qu’on ne peut plus couper, sinon ça n’a plus le même goût.
Bonjour, vous venez d’être présentés à la molécule.
La molécule n’est pas une maladie, ça n’a rien de sexuel, c’est le plus petit morceau de matière qui garde les propriétés de la matière (2)
Une molécule de bière, c’est toujours de la bière ; si c’est plus petit, ce n’est plus de la bière (3).
Hé bien voilà ; juste au moment où vous avez l’impression que vous avez fait le voyage jusqu’au plus petit dénominateur commun de la Physique, le savant vient frapper sur votre épaule et vous dit :
– “Non, mon gaillard, il y a plus petit que la molécule. Reste, on va rigoler.”
Du coup vous observez un peu la molécule, et vous constatez, hilare, que vous n’en avez pas fini avec ces couillonnades. Quand on y regarde de plus près, dans la molécule, il y a des atomes, comme des petites boules qu’on a mises ensemble un peu comme des locataires dans un même immeuble. Des locataires qui n’ont rien à voir entre eux : pas la même gueule, pas le même pas, pas le même nombre de bras ; ils ne parlent pas la même langue, mais bon ; on peut imaginez qu’on les a mis ensemble parce que rien de tel que la diversité dans ce bas-monde, sinon on s’emmerderait ferme, même à l’échelle microscopique.
Mais dans chacun de ces locataires… il y n’y a rien du tout.
Mais rien !!! Ou alors si mais vraiment pas grand chose.
Damned ! Gaspe ! Fichtre ! Fuck ! On m’aurait menti ! Il n’y aurait que du vide dans la matière ?
En fait, pas vraiment, mais en proportion, il y a surtout rien du tout ; et au milieu de ce rien, il y a quand même des petits brols pour dire d’en avoir un peu pour son argent.
Et on voit quoi ? Il faut se représenter les atomes comme une espèce de grappe de boules agglutinées, et autour de cette grappe, il y a une nuée de petits crétins excités qui courent tout le temps, tellement vite qu’on ne les voit pas, même si on sait qu’ils sont là. La grappe de petits couillons au milieu est appelée “noyau”, tandis que les ahuris qui lui tournent autour s’appellent des électrons. Comme ils courent tout le temps et qu’ils n’écoutent jamais ce qu’on leur dit, on a décidé qu’ils étaient négatifs. C’est comme ça. Et comme les contraires s’attirent, on en a donc déduit que les couillons du milieu étaient positifs. Et du coup, on les a appelé les protons. Puis, comme ça ressemblait trop à une marque de voiture vaguement asiatique, on a dit qu’on pouvait aussi les appeler “positrons”, mais à condition de ne pas s’attendre à ce qu’ils répondent à ce nom-là.
Et voilà, on a l’impression qu’on a fait le tour, cette fois-ci ; du vide, des électrons négatifs, des protons positifs, on a remis son manteau sur ses épaules et on s’apprête à rejoindre le macrocosme. Et puis le savant de tout à l’heure, qui est vraiment casse-couille, nous tape encore sur l’épaule et dit
-“Est-ce que tu es vraiment sûr que tu as bien regardé le noyau, pour voir s’il ne restait rien ?”
Et c’est là qu’apparaît la triste réalité : il y a encore des trucs dans le noyau. Ca s’appelle les Neutron. Paf. On y est. On les a trouvé !
C’est quoi, d’abord, un neutron ? Une ch’tite boule qui se colle avec les protons, certes, mais elle fait quoi ?
En fait, on se le demande. Electriquement, le neutron, il est là et il ne fait rien. Il ne bouge pas, il ne fait pas la vaisselle, il n’apporte pas le café, il se colle aux protons, il regarde par-dessus leur épaule quand ils vont pisser, ils vident le frigo sans rien dire… Le neutron est le parasite de la matière. Il est là pour faire le nombre, mais rien d’autre. C’est comme si trois protons voulaient faire une belote, ils auraient beau inviter un neutron pour faire le quatrième, il se contenterait de faire le mort.
Le neutron, il ne fait rien. Il fait le nombre, il fait le poids. C’est tout. C’est un balourd. Le neutron, c’est la graisse de la matière. Il ne sert qu’à différencier deux atomes entre eux : mêmes si les atomes sont de la même famille, il y a toujours des neutrons pour faire les malins, pour les distinguer. Ca s’appelle des isotopes. Tu vois ton carbone, là ? Hein ? Tu le vois ? Dans son noyau, il y a toujours six protons. Tu peux danser sur ta tête, il y a toujours six protons dans un atome de carbone, même s’il s’appelle Jules, qu’il a été élevé par une famille de singes, même s’il est handicapé, six protons font du carbone. Hé bien le neutron, il fout la merdre. Si le neutron invite cinq de ses copains, il fait du carbone 12, qui est atrocement commun et vulgaire. Mais si d’autres neutrons s’ennuient, ils s’invitent, et pour peu qu’ils viennent à deux de plus, ils font du carbone 14, et là, crac, l’atome il prend un coup de vieux !!!
Le neutron, c’est un glandeur.
Il paraît qu’on fait des bombes avec. Même pas vrai ; comment on peut faire un truc qui explose avec des glandeurs pareils ?
C’est là qu’on s’arrête et qu’on va prendre une pinte car on n’a pas que ça à faire ; on remet son pardessus et on reprend le chemin de la macro-matière, sinon à cette échelle, on peut crever de soif ! Bien sûr, sur le chemin du retour, il y a toujours un imbécile pour vous dire “héééé, retourne en bas, il y a encore des trucs plus petits à voir !” ; mais franchement, déjà que mon assiette est vide, je vais pas me casser les bonbons à vous parler des quarks et des gluons, d’autres gratteux s’en chargeront.
Après tout, c’est l’heure de l’apéro sur R42, je voudrais pas rater ça !
(1) Si vous y parvenez, prenez quand même des photos, on risque de parler de vous, même si vous ne vous appelez pas Régis.
(2) Non, Régis, il ne s’agit pas d’un vigile qui surveille ta maison quand tu es en vacances !
(3) Ou alors elle est brassée en France, mais de toute façon ça n’a jamais été de la bière, dans tous les cas !
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