Woodkid au Palais 12

Date : 26/10/2021

Lieu : Palais 12, Heysel, Bruxelles

20 mois... C’est pas loin de 20 mois qu’il a fallu attendre depuis fin janvier 2020 pour revenir enfin à un vrai concert pop, sans masque, avec un vrai public. Ce covid a causé la plus longue interruption depuis une ère qui m’a semblé dater d’une époque où l’on écrivait les chiffres avec des lettres. C’est dire ce sentiment de libération ressenti au soir d’assister à ce concert de Woodkid. L’occasion d’ouvrir cette nouvelle forme d’articles sur mon blog, pour être sûr qu’une mémoire qui n’est pas sans laisser apparaître quelques défaillances dues à l’avancement de mon âge ne me laisse des souvenirs sur le carreau. Profitons-en tant qu’il y en a encore.

Pourquoi Woodkid ?

C’est sûr que les gens qui me connaissent pourraient être surpris car je n’ai sans doute jamais fait état préalablement d’une quelconque adhésion à cet artiste français avant cette date. C’est en fait une initiative de mon amoureuse qui, travaillant comme bénévole au Festival de Ronquière, l’a vu performer au mois d’août 2021, a été subjuguée, et a décidé de m’en faire profiter. Je dois reconnaître que mon emballement était moyen, n’ayant jamais eu l’occasion d’être confronté à son répertoire, mais j’y suis allé en confiance.

Histoire de me mettre quand même dans l’ambiance, le jour même, je me suis quand même décider à écouter un peu de quoi ça causait. Trois albums à ce jour mentionnés par Spotify, avec débuts en 2013, ça pouvait expliquer que mes explorations n’aient pas eu l’occasion de croiser le chemin de ce Yoann Lemoine.

Evidemment, le premier morceau que j’écoute, c’est “Iron“, et immédiatement je reconnais l’intro, étant donné qu’elle sert de générique depuis de longues années à l’émission “Un jour dans l’histoire” sur la Première. Je ne peux m’empêcher de rigoler en me demandant si Woodkid va me raconter en musique des histoires sur les années de crèche de Napoléon au CPAS d’Ajaccio, sur les rapports entre les Templiers dissidents et les anti-vax de la fin du 19ème siècle ou sur la thèse de doctorat de Marie-Antoinette sur les différences fondamentales entre cougnous, cougnolles, coquilles , bonhommes ou Jésus..

Mon écoute est un peu distraite mais plutôt positive. J’y distingue une combinaison musique électro et d’instruments classiques, une voix plutôt grave comme j’aime bien, et pour ce que j’écoute, une forme de mélancolie un peu sombre qui correspond assez bien à une partie de mes goûts musicaux. Toutefois, je dois reconnaître qu’à part “Iron”, même dans les morceaux qui sont les plus écoutés, je n’en reconnais absolument aucun. Bon. Soit. Ce sera la découverte. Je me rends également compte qu’il est très rare que j’aie assisté à des concerts d’une ampleur significative en ne connaissant pratiquement pas l’artiste. (Le dernier devait être Eliott Murphy au Spirit of 66). Soit. Ce sera “La découverte ou l’ignorance”, comme chantait Tri Yann.

Début du concert

Awir Leon

Awir Leon

A l’arrivée au Palais 12, on sent quand même qu’on n’est pas encore revenu dans le monde d’ “avant”. Une file indienne serpente avant l’entrée pour vérifier les Covid Safe Tickets, mais malgré tout, on sent que ça devient ancré car ça défile assez rapidement. Et enlever son masque après le passage des contrôles, c’est évident, ça fait du bien.

La première partie est assurée par un certain Awir Leon. Encore totalement inconnu à mon répertoire. Le bonhomme est seul sur scène avec son clavier qui fait beaucoup de bruit. Je ne m’étendrai pas trop car j’ai vraiment eu du mal à m’immerger dans son électro solitaire minimaliste. Certes le garçon n’est pas un manchot du clavier et des effets sonores, mais je n’adhère pas à son univers musical qui ne me provoque aucune émotion. Pas inintéressant, certes, mais pas passionnant. Ce n’est qu’après coup que je me suis rendu compte qu’en fait c’est lui qui gère les percussions électroniques de Woodkid, et là… C’est autre chose.

Puis c’est la pause. On diffuse une musique d’ambiance minimaliste qui me rappelle un peu la période aquatique de Jean-Michel Jarre tendance “Cousteau”. Ce qui m’a inspiré le commentaire suivant :

La musique de transition ressemble à une production de Luc Baiwir illustrant un documentaire sur les profondeurs abyssales, subsidié par la province de Hainaut, et tourné au lac de l’Eau d’Heure

Woodkid s’installe

Le staff s'installe

Le staff s’installe

Arrivée de Woodkid sur la scène. Là, on a nettement plus de personnel… Percussions acoustiques, percussions électroniques, clavier… et puis violon, alto, violoncelle, clarinette basse (Certifié par mon amoureuse, je pensais naïvement à un saxophone, mais chacun sa spécialité, tu voâââââs…) et trombone. Bigre. On n’a pas peur de mixer les influences, c’est du sérieux et ça me parle. Yoann Lemoine commence par parler chaleureusement au public, et il inspire immédiatement beaucoup de sympathie, demandant pour qui ce concert était le premier de la “période machin”, et effectivement, vu la réaction du public, ce n’était pas une “première” que pour nous deux.

Le concert démarre en douceur. L’acoustique est excellente, l’ambiance calfeutrée et plutôt intime. “Iron” est jouée comme deuxième morceau, m’installant dans un peu de terrain familier, mais la dimension live avec la puissance des instruments me fait déjà frissonner… Beaucoup plus que quand je l’entends en guise de générique radio. Tout de suite, la mise en lumière éclate : Woodkid monte sur un podium au-dessus et à l’arrière de ses musicos, et sur un écran géant en fond sonore sont projetées des séquences animées en images de synthès du plus bel effet… Franchement ça donne. Etant novice dans l’univers musical de Woodkid, je me sens bien incapable de vous dresser une set list de morceaux que je découvre et dont je ne connais forcément pas le nom. Mais les premiers morceaux sont porteurs d’une lourdeur mélancolique qui me transperce littéralement. C’est un univers poisseux, dense et riche dans lequel je me reconnais parfaitement.

Toutefois, après les premiers morceaux, je commençais à le cataloguer dans le tiroir “brayous” (Note aux non wallons : c’est du patois pour “pleurnichard”). Je fais ainsi référence à une période de ma vie (grosso modo 1997-2002) où j’écoutais de manière quasi exclusive des artistes produisant une musique triste, sombre, mélancolique (genre Nick Cave, les Tindersticks, Perry Blake ou des joyeux drilles de cet acabit). Bien que riche de percussions sourdes ET assourdissantes, ça ne fleurait pas bon le youkaïdi-youkaïda…..

en duo avec Pierre Lizée

en duo avec Pierre Lizée

Puis graduellement, la rythmique s’est élevée. Le duo très impressionnant de percussionnistes développait une atmosphère lourde, battante, industrielle, qui vous fait résonner les os. Des coups de marteaux sur des parois en fonte, des chocs sur des bidons d’asphalte remplis, même les mélodies aériennes développées par les instruments classiques qui essayaient d’égayer l’atmosphère avaient l’air poisseuses. Peu à peu une musique aussi tribale que métallique envahissait l’espace de manière extrêmement dense. Bref, ça s’excitait de plus en plus, mais qu’est-ce j’avais bon !

La richesse de Woodkid me semble venir de cette alchimie entre rhythmique lourde et envahissante et lignes mélodiques d’une grande pureté. C’est un cocktail vraiment intéressant, dense et riche, et j’étais totalement absorbé par ce voyage musical. Et le bonhomme est extrêmement attachant, communiquant beaucoup avec son public, livrant ses propres émotions, s’interrogeant comme un pote qui se soucie vraiment de ton bien-être tout en livrant le meilleur de lui-même. Il était content d’être là, content d’être à Bruxelles où le public est souvent aussi réceptif que démonstratif, et ça lui plaisait. Ca se voyait.

Je m’en voudrais de ne pas mentionner cette extraordinaire dualité entre les percussions acoustiques et électroniques ; leur donner vie via deux musiciens différents rend palpable cette tension, cette lourdeur, qui vous secoue l’intérieur des entrailles… Et qui se marie si bien son invraisemblable densité avec le côté plus aérien des instruments à corde. C’est un régla, tout simplement.

Vient alors un vrai beau moment d’émotion quand Woodkid invite sur scène Pierre Lizée, un belge qui avait fait une cover de la superbe chanson “In your likeness”, qui a touché l’artiste au point de lui offrir un duo sur scène lors d’un passage en Belgique. C’est chose faite. Et bien faite. La chair de poule, je vous dis.

Les jeux de lumière méritent aussi une mention spéciale, notamment quand les sports se positionnent pour former dans l’atmosphère moite une sorte de grille de lumière en trois dimensions sur laquelle l’artiste fait mine de s’appuyer, l’effet est particulièrement réussi.

Final

Woodkid réussit à nous immerger dans une atmosphère aussi oppressante qu’enthousiasmante jusqu’au bout. Le public aime ça et manifeste sa joie en une communion tribale et gesticulante du plus bel effet, prolongeant les morceaux en ahanant les refrains instrumentaux à la grande joie de l’artiste. C’est un partage d’émotion et d’énergie qui fait vraiment du bien. Le rappel vient avec “Run Boy Run“, de ses premiers gros succès, et l’audience scande les quelques notes avec tellement d’ardeur qu’on dirait que la communion ne va jamais terminer. Mais les meilleures choses ont une fin, et le retour des lumières laisse le sentiment d’avoir participé à une très belle fête du son autant que de l’image de synthèse.

Ce fut pour moi une très belle expérience, un concert vraiment réussi, et la découverte d’un artiste talentueux, inventif et enthousiasmant.

J’en veux encore !

0 réponses

Laisser un commentaire

Rejoindre la discussion?
N’hésitez pas à contribuer !

Laisser un commentaire